Portrait de Delphine Bretesché  © Béatrice Cruveiller

…À l’endroit

*…À l’endroit*, 2012
assistante Yon soo Kang
Château des ducs de Bretagne, Nantes

En 2012 le Château des ducs de Bretagne à Nantes présente l’exposition Nantaises au travail et invite une plasticienne à proposer une œuvre en regard.

Cette exposition retraçait l’histoire économique et sociale des femmes au travail de l’agglomération nantaise des trois derniers siècles. Elle permettait d’aborder des questions d’actualité sur l’égalité « homme/femme» au travail et de mettre en regard passé et présent pour évaluer le chemin parcouru.

La façade du Château et son rythme de carreaux a retenue mon attention. C’est en allant faire mes courses, alors que je posais mes achats sur le tapis de caisse, que j’ai lu la phrase inscrite sur le séparateur à provisions de la caissière : Le temps d’un sourire et je suis à vous.

Le sous-titre imposé à la caissière par sa hiérarchie, en pleine affaire DSK résonnait particulièrement. Ayant choisi cette phrase, je l’ai écrite en la répétant, à l’envers, de la droite vers la gauche sur toutes les vitres du Château. Chaque ligne d’écriture se déroulait sur toute la largeur de la façade, elle pouvait être lue par le public qui suivait ainsi la progression de l’œuvre.

L’installation qui a été mise en espace après cette performance se compose des habits de travail de l’artiste : les culottes au même titre que les chaussettes, les t-shirt, le jean, la veste polaire, le casque et le baudrier font partie de la collection de l’établissement. La performance d’écriture à l’envers qui s’est déroulé pendant 6 jours s’appelait… À l’endroit et l’installation Le temps d’un sourire et je suis à vous.

*…À l’endroit*, 2012
assistante Yon soo Kang
Château des ducs de Bretagne, Nantes
*…À l’endroit*, 2012
assistante Yon soo Kang
Château des ducs de Bretagne, Nantes
*…À l’endroit*, 2012
assistante Yon soo Kang
Château des ducs de Bretagne, Nantes
*…À l’endroit*, 2012
assistante Yon soo Kang
Château des ducs de Bretagne, Nantes

Extrait du texte de présentation
(…) être en façade à psalmodier les centaines de fois / les mêmes mots la lancinante comptine / la phrase d’attente / la phrase de mise à disposition / la phase de soumission / la phrase d’ouverte à qui là / je suis là pour vous / je suis payée pour / j’écris à l’envers pour être lue / derrière la vitre / voir sans être vue / discourir le long des vitres glacées de l’hiver / le souffle fumée buée l’encre blanche / à l’envers écrit à l’endroit lu / un mot à l’envers un lu à l’endroit /
le maillage tressant des mots de travailleuses stressées / un escabeau devant la vitre / accroupie pour les centaines de vitres du bas / puis dressée pour les centaines de vitres du haut / puis juchée sur l’escabeau et bras tendu / encore / atteindre / le plus haut / les vitres du haut / pour à l’envers hurler ce qu’à l’endroit / monde à l’envers (…)

*Le temps d’un sourire et je suis à vous*, 2012
dimensions et matériaux divers
Nantes, collection du Château des ducs de Bretagne
*Le temps d’un sourire et je suis à vous*, 2012
dimensions et matériaux divers
Nantes, collection du Château des ducs de Bretagne
*Le temps d’un sourire et je suis à vous*, 2012
dimensions et matériaux divers
Nantes, collection du Château des ducs de Bretagne
*Le temps d’un sourire et je suis à vous*, 2012
dimensions et matériaux divers
Nantes, collection du Château des ducs de Bretagne

Extrait du texte de Danielle Robert-Guédon
(…)
Dans cet esprit de renversement, il est réjouissant de voir Delphine Bretesché investir le bâtiment du Harnachement au château des Ducs de Bretagne pour l’exposition Nantaises au travail. J’imagine qu’elle a dû songer à des uniformes et à différents corps de métiers, passant en revues blouses et tabliers, répertoriant des tâches, des mains abîmées pour enfin s’arrêter à l’un des emplois le plus morcelé, celui de caissière en supermarché. Il fallait bien l’attention aux mots d’une telle artiste pour relever cette banale assertion – Le temps d’un sourire et je suis à vous – placée sur le tapis roulant entre chaque client. L’injonction à une aimable disponibilité de chaque instant, jouant sur l’ambiguïté de la fin de phrase : je vous appartiens. Delphine Bretesché convie donc le spectateur à lire entre les lignes. Pendant une semaine, elle met au point son dispositif. Sur la façade du bâtiment ponctuée de mille vitres, elle va inscrire trois lettres de la phrase sur chaque carreau, de gauche à droite et de bas en haut, en cursive, au blanc d’Espagne, d’abord debout, puis juchée sur un escabeau pour atteindre les fenêtres les plus hautes. Elle va devoir passer d’un bureau à l’autre, transporter l’escabeau, écrire de manière inversée pour que le spectateur, en entrant dans la cour du château, lise les lettres dans le bon sens. Un numéro d’équilibriste. Elle se donne huit jours pour faire de la façade une trame et y broder cet adage moderne qu’il sera difficile de déchiffrer puisque morcelé, comme le temps d’une caissière. En fin de semaine, elle rendra son tablier, pots de peinture, pinceaux, combinaison, chaussettes et tee-shirts dans lesquels elle aura transpiré. Le tout bien rangé dans son vestiaire. Un travail d’artiste pour ne pas seulement faire le ménage, faire les vitres, faire le repassage mais défaire tous ces gestes pour en accomplir d’autres, un seul autre, dessiner peindre et ralentir le trottinement vers la mort.